vendredi 31 août 2007

Où il est question de péage urbain


Stockholm a opté pour le péage urbain. Après Londres, c’est la 2ème grande ville européenne à suivre cette voie.
La question se pose désormais pour la France. Allons-nous nous l’adopter à notre tour ? ou du moins, allons nous en parler, en débattre ? La réponse est qu’il suffit de le décider : elle est entre les mains des internautes, des bloggeurs ou des militants et élus…
Voici un aperçu des termes du débat…

préhistoire

Il faut d’abord noter que le sujet n’est pas vraiment neuf. Je me souviens l’avoir entendu citer par Gérard Collomb en 2001, alors qu’il était annoncé à Londres. C’est surtout et depuis longtemps un sujet d’intérêt pour beaucoup de spécialistes des déplacements comme Yves Crozet du laboratoire d’études des transports (LET). Récemment, dans le plan de protection de l’atmosphère (PPA), document qui établit une norme et certaines contraintes antipollution pour les grandes agglomérations, les fonctionnaires de l’Equipement ont proposé que cela soit mis à l’étude pour l’agglomération lyonnaise (mais pas à Paris). Une étude peut ne jamais aboutir mais il est sûr d’ores et déjà que le sujet va faire parler.

Swinging London

Avant d’aller plus loin, précisons les modalités et le but d’un péage urbain. L’idée, telle que mise en place à Londres, est de limiter l’accès en voiture de la « City », le quartier des affaires, pour en fluidifier le trafic. Cette idée est fille de la technologie : c’est faisable, faisons-le. Établir un péage avec une barrière type autoroute aurait semblé un anachronisme (voir l’Octroi en France), or les ingénieurs se sont rendus compte qu’avec quelques caméras bien placées, des logiciels qui reconnaissent les numéros d’immatriculation, le paiement par Internet, autant de technologies devenues banales, il était facile de mettre en œuvre ce système de barrière virtuelle avec péage réelle. L’hypothèse de départ, depuis vérifiée, était que les seuls utilisateurs ayant un intérêt économique à prendre leur véhicule le ferait en acquittant une taxe quotidienne de 8 €. La ressource dégagée devait, elle, permettre de remédier au sous investissement chronique des anglais dans leurs transports en commun (TC). Les cadres de la City y ont gagné de la fluidité dans leurs déplacements contre une somme modique (quand on est banquier à la City en tous cas), les employés et habitants plus modestes, une meilleure desserte en TC.

La morale de l’histoire est qu’une idée novatrice, plutôt osée même, peut parfois gagner. Le système non seulement fonctionne mais est aussi bien accepté par la population. Il a depuis été étendu. Il est vrai que c’est l’Angleterre et les anglais ne ressemblent pas plus aux français que Londres ne ressemble à Paris ou Lyon.

Le péage mis en place à Stockholm est assez différent car il vise à dissuader des trajets pendulaires et aux heures d’affluence.

Le modèle anglais : rejeté à droite

L’exemple londonien, malgré son efficacité et son acceptation par la population locale, suscite en France une désapprobation à peu près unanime.

Les usagers de la voiture (mais ne le sommes-nous pas tous plus ou moins ?) sont contre cette taxe « anti-voiture ». Derrière ce vocable « usagers de la voiture », il faut comprendre certains groupes de pression, qui via des associations, se manifestent auprès des élus à chaque mesure allant contre « leur » intérêt : réduction du nombre de places de stationnement sur la voirie, augmentation des tarifs des parkings, introduction de tramway, voies cyclable, etc. au détriment de la place de l’auto. Les premiers membres de ce groupe de pression sont d’ailleurs les élus de droite eux-mêmes. Pas de vraie logique idéologique là-dedans. Plutôt une paresse intellectuelle et le réflexe d’être contre les verts et les gauchistes et donc pour la voiture. Le schéma paraît simplificateur mais fonctionne à peu près sans exception. Perben en a donné une illustration, il y a quelques mois à Lyon, en attaquant publiquement le parc urbain des berges du Rhône, au prétexte qu’il supprime des places de stationnement au profit d’un espace de promenade. Voilà un positionnement politique qui se passe de commentaires.

Le modèle anglais : rejeté à gauche

La mesure est également attaquée à gauche car elle fonctionne sur une logique libérale. La voiture est réservée aux riches dans ce système. Sous des dehors pragmatique et au nom de l’efficacité, on confie la régulation au marché, sans mécanisme qui rétablisse l’équité sociale. Cela rappelle l’économie selon Blair même si cette mesure ne lui doit rien mais doit tout à son adversaire déclaré Ken Livingstone dit « le rouge ».

Parce qu’ils sont combattus à droite comme à gauche, il est assez confortable d’être contre les péages urbains, en précisant que d’ailleurs « ça ne pourrait pas marcher en France ».

Reste que cela revient à se priver d’un outil efficace contre la pollution et les encombrements. C’est pourquoi il me paraît préférable de chercher à lever certaines objections au modèle anglais plutôt que de le rejeter en bloc.

Quel modèle de péage à la française

Des élus socialistes de différentes communes de l’agglomération lyonnaise s’étaient réunis il y a quelques temps pour s’interroger sur la mise en étude d’un péage urbain sur leur territoire.

Les élus du centre ville tout comme ceux de la banlieue, se sont inquiétés d’une mesure peu favorable aux couches populaires de leur territoire. Tout renchérissement des déplacements peut s’assimiler à une assignation à résidence. Le périmètre envisagé pour une étude du péage urbain dans le cadre du PPA est celui du centre de l’agglomération, Lyon-Villeurbanne. Avant même de démarrer l’étude, l’exclusion des banlieues semble validée. Ce qui se comprend dans une logique de lutte contre la pollution – réduire la circulation là où elle est la plus dense - mais fait peu de cas de son impact social.

Le groupe socialiste du grand Lyon a donc préconisé de réfléchir à plusieurs périmètres possibles : hyper centre ou aire urbaine, d’étudier le prix de la taxe ou vignette en fonction de critères sociaux comme le revenu, ou environnementaux comme le niveau de pollution dégagé par le véhicule.

Pourquoi ne pas imaginer également une vignette d’agglomération dont le prix serait modulable selon le nombre d’utilisations mensuelles de la voiture, de façon à encourager ceux qui limitent l’usage de leurs voiture, à l’exemple de ce qui se fait pour les abonnements de parkings.

Quelle faisabilité ?

Essayer de cumuler les effets incitatifs, les critères de différentes natures, est un jeu intellectuel assez stimulant mais risque de se révéler vain. Quel politique prendrait le risque d’annoncer une mesure qui, quelle que soit la mise en œuvre, est assimilable à un nouvel impôt ?

C’est là que l’exemple récent de Stockholm devient très intéressant. La mesure a été adoptée d’abord à titre expérimental. Les sociaux démocrates ont d’ailleurs perdu les élections juste après. Sauf que la population d’abord majoritairement hostile a depuis changé d’avis. C’est ceux même qui ont fait campagne contre le péage qui se trouvent au pouvoir aujourd’hui et qui font passer le projet de la phase expérimentale à la phase définitive car c’est désormais une demande de leurs électeurs.

Tout concilier

Voici quelques objectifs que nous pourrions nous donner pour que l’idée d’un péage urbain à la lyonnaise fasse son chemin. Si aucun candidat ne se risque à annoncer un projet de péage urbain pour le prochain mandat, ce n’est pas un risque électoral déraisonnable d’annoncer un débat sur le sujet. Voila un bel exercice de démocratie participative en perspective. Il pourrait se conclure soit par un référendum local, sur le projet lui-même, soit par un vote pour choisir entre plusieurs scénarios, intégrants des critères et des tarifs différents. Une période d’essai, tout comme à Stockholm, pourrait être prévue et le choix définitif se ferait à l’occasion de la campagne municipale suivante, dans six ans.

Rien de possible sans le président

Cela laisserait également le temps au gouvernement de se décider à inscrire une loi sur le sujet à l’ordre du jour de l’assemblée. En effet dans notre pays centralisé, ce type de mesure n’est pas laissé à l’initiative locale et nécessite l’aval du sommet de l’Etat.

Pour qu’un président de droite accepte de rendre possible une idée à laquelle la majorité des élus locaux de droite est hostile, il faudrait un petit miracle. Encore que… Nicolas Sarkozy excelle dans l’art du contre-pied. Il pourrait choisir d’avancer sur cette question pour peu que l’idée ait l’air d’être de lui…Article également publié par AgoraVox.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

mouais
c quand même bien d'un nouvel impot qu'il s'agit ou alors on baisse les impots locaux pour garder l'équilibre ?

Laurent Jauffret a dit…

Si l'objectif est de garder un niveau d'impôts constant, alors il faut baisser les impôts locaux de l'équivalent de la recette attendue d'un péage. pourquoi pas ?
Mais cela repose sur l'idée que le niveau des impôts locaux est trop élevé alors qu'en fait il est surtout inéquitable et très différent selon les secteurs. Bref, encore une réforme dont il faudrait parler...

Anonyme a dit…

"étudier le prix de la taxe ou vignette en fonction de critères sociaux comme le revenu, ou environnementaux comme le niveau de pollution dégagé par le véhicule"

et pourquoi pas plutot en fonction de la surface occupée au sol par le citadin ? plus tu habites dans un tissu urbain dense; plus les TC sont pertinents. faisons payer (cher) les riches et les pauvres qui préfèrent leur "sam suffit" au centre de leur petite parcelle et qui coutent à l'ensemble de la collectivité !!!

Anonyme a dit…

salut laurent, bravo pour ta réouverture de blog

romain blachier
romainblachier.typepad.fr

Anonyme a dit…

De plus en plus, les centres des grandes villes sont réservés aux riches. Rendre leur accès payant va renforcer le phénomène. Commençons par développer la mixité avant de parler de péage urbain !

Anonyme a dit…

au commentaire précédent je voudrais rappeler que les péages urbains existants ont deux effets :
- fluidifier le trafic routier aux heures de pointe
- faire baisser l'usage de la voiture
Si le produit de la taxe est consacré au développement des transports en commun, les "pauvres", qui ont moins de voitures que les riches, pourront plus facilement accéder aux "quartiers riches" de la ville. Et les "riches" paieront pour une nuisance que, pour l'instant, ils ne paient pas.
Mais à mon sens, plus efficace et plus facile à mettre en oeuvre, est la taxe carbone.

Anonyme a dit…

Une idée très simple:

"Instaurer un péage urbain qui consiste à acheter un titre de transport TCL pour circuler en voiture dans la ville: un ticket pour une heure ou une journée, ou un abonement pour un droit de circuler permanent"

Remarque 1: cette idée n'est que le prolongement de la logique des parc relais !

Remarque 2: cette idée est incitative autant que coercitive: "tant qu'à acheter le titre de transport, autant laisser ma voiture au garage !"

Remarque 3: cette idée est hautement sociale car elle permettrait d'injecter beaucoup d'argent DIRECTEMENT dans les caisses de l'autorité organisatrice des transports (SYTRAL) => amélioration de l'offre de transports en commun POUR TOUS.

Michel Perez

Anonyme a dit…

Oui au péage sur le temps
d'ou plus de voies pour les bus et les vélos, donc moins pour la voiture et
création de bouchon gaspilleur de temps....

Cordialement