mercredi 7 novembre 2007

Comme un arbre dans la ville



« Il faut rompre avec la conception minérale de la ville » et, à l’instar de Los Angeles ou New York qui ont décidé de planter 1,5 million d’arbres sur leurs territoires, « il faut qu’à chaque citoyen lyonnais corresponde un arbre ». Ces idées sont issues du livre programme (1) de Philippe Genin, porte-parole de Dominique Perben.
En lisant cela, je me suis senti envahi par une bouffée de sympathie pour ce personnage.

Je suis amateur des dessins animés de Miyazaki, avec leurs arbres géants, leurs dieux de la forêt et toute leur poésie écologiste. Comme je travaille et milite dans la politique depuis quelque temps, cela m’a donné des idées en d’autres occasions : aux municipales de 2001, j’avais suggéré" un parc pour chaque arrondissement" et "100 000 arbres pour le Grand Lyon". Constater que quelqu’un d’aussi influent que ce Philippe Genin ose à son tour ce genre de proposition me réjouit beaucoup. Elles étaient jusqu’ici l’apanage des rêveurs. L’époque serait-elle en train de changer ?
Comme je suis par ailleurs un adversaire politique de messieurs Perben et Genin, je suis enclin à avoir un regard critique. Attention néanmoins au procès d’intention et examinons le projet objectivement.

Planter des arbres pour quoi faire ?
Non. Je ne discuterai pas du bien fondé de planter des arbres. Cela peut bien sûr être justifié par des arguments sur la lutte contre le réchauffement climatique. Les arbres sont des pièges à carbone, des usines à oxygène, des climatiseurs naturels, des réducteurs de pollution… Mais vouloir planter des arbres correspond à une aspiration moins utilitaire. L’arbre (racines - tronc – branches) est une métaphore de nos vies avec et nous sommes nombreux à entretenir un rapport très affectif avec lui. Pour ma part, j’aime les arbres et je souhaite qu’il se multiplient. Je trouve qu’ils rendent le monde plus beau. C’est une idée un peu niaise, pas très rationnelle, mais j’aurais du mal à m’en défaire. Philippe Genin a semble-t-il la même. Après tout pourquoi pas ?

Combien d’arbres exactement ?
Lyon peut difficilement se comparer à Los Angeles ou New York, pour la superficie comme pour la population. Le chiffre de 1,5 million n’est donc pas à retenir en premier. Comme l’idée d’un arbre par habitant est avancée et que nous sommes 470 000 lyonnais, c'est ce chiffre qui me sert de référence.
Il existe aujourd’hui 25 000 arbres d’alignement à Lyon. En rajoutant les jardins publics et parcs, on peut estimer la population actuelle autour de 75 000.
Pour suivre l’idée de Philippe Genin, il faudrait donc rajouter près de 400 000 arbres soit une véritable forêt urbaine.

Combien ça coûte ?
Planter un arbre avec mise en place de terre végétale revient entre 150 et 300 euros l’unité, suivant la variété et la taille du sujet. Ce coût représente peu de chose à comparer avec les opérations de réaménagements de voiries qui accompagnent les plantations mais laissons cela de coté. Le budget de l’opération peut donc être évalué à 600 millions d’euros minimum.

Où et comment ?
Il est possible (mais pas spécialement souhaitable) de renforcer le nombre d’arbres dans les jardins. Il paraît bien sûr plus logique de mettre des arbres là où il en manque. Une petite part seulement des avenues et rues de Lyon a des arbres d’alignement. La raison en est l’étroitesse des rues mais aussi parfois que les arbres ont été supprimés dans les années 50 et 60 : c’est le cas de l’avenue Berthelot ou du cours Emile Zola à Villeurbanne. Les recommandations de l’urbanisme hausmannien étaient de consacrer un tiers de la largeur des boulevards à la chaussée et les deux autres tiers aux trottoirs plantés d’arbres sur deux rangs chacun. Le boulevard de la Croix Rousse en est un exemple préservé. L’arrivée de la voiture en ville a remis en question ces équilibres. Il fallait de la place pour rouler et stationner. Les arbres en ont fait les frais.
Pour planter un arbre il faut environ 4 m2. Son projet représente donc 160 hectares à affecter aux arbres. Seule la réaffectation d’une partie de l’espace consacrée à la voiture, stationnement et circulation, permettrait de réaliser ce projet.
Il y a aujourd’hui environ 100 000 places de stationnement sur voirie à Lyon soit à 10 m2 par voitures environ 100 hectares. Cela donne une idée de la nature des changements qui nous sont proposés puisque la suppression de la totalité du stationnement sur voirie ne suffirait pas accueillir tous ces arbres.
C’est dommage car l’aspect de la ville serait énormément modifié par ce projet. L’effet sur la qualité de l’air serait considérable car la présence des arbres et l’absence des voitures se conjugueraient.

Faut-il les croire ?
Poser la question après ces quelques chiffres implique une bonne dose d’ironie bien sûr. Ce projet, vous l’avez noté, n’est tout simplement pas sérieux. C’est dommage car il sollicite l’imaginaire : il fait rêver.

Alors il n’y aura pas de forêt urbaine à Lyon ? sans doute pas, sauf bien sûr, si l’idée séduit d’autres que Philippe Genin et moi-même, qu’un candidat sérieux(2) se pose la question de la place de l’arbre dans la ville et de ce qu’il est raisonnable de faire pour l’améliorer. Le bilan du Grand Lyon sur ce mandat est d’ailleurs très intéressant car avec plus de 70 000 sujets aujourd’hui, la population des arbres d’alignement a augmenté de 24 % ces 6 dernières années.

J’espère avoir l’occasion de revenir bientôt sur ce sujet avec des propositions concrètes.




(1) Des extraits en ont été publiés par Lyon Capitale la semaine dernière. Il a été commenté notamment dans les blogs de Jean-Yves Sécheresse et Romain Blachier
On y apprend que le reste n'est pas plus crédible que cette affaire d'arbres mais c'est une autre histoire.
(2) Ce que semble indiquer le livre de Philippe Genin, c'est que le choix se résume pour le moment à Gérard Collomb

2 commentaires:

Anonyme a dit…

je me souviens d'un projet de rénovation du boulevard de la Croix-Rousse, il y a quelques années, qui prévoyait de supprimer les arbres actuels et de n'en remplacer qu'un sur deux. projet finalement abandonné mais pour combien de temps ?

ETHIQUE ET ENTREPRISE a dit…

les arbres invasifs...
juste pour rire, cette anecdote. j'habite une péniche sur les berges du rhône et j'avais, il y a quelques années, trouvé sympathique de planter un bambou sur la rive du fleuve, au ras de l'eau, là où il n'y avait que des herbes folles. Mon bambou s'est bien plû là. il a fait plein de petits et encore et encore!!! quand les pépinièristes chargés d'arborer les nouveaux bas ports tous beaux ont vu ça, ils sont venus me dire, un peu désolés, qu'ils devaient enlever mes bambous qui n'étaient pas originaires de la flore du fleuve. ce que j'ai bien compris et approuvé bien sûr. las! les voilà partis à tenter d'arracher les rizômes. je les aide. on creuse, on tire. on y arrive enfin. ouf! hélas, 3 fois hélas, les bambous reparaissent quelques semaines plus tard. on ré-arrache. ils renaissent... aujourd'hui encore, ils sont toujours là. les pépinièristes et moi, on baisse les bras!
la morale de l'histoire: les arbres, c'est bien, mais pas tous!
Geneviève