jeudi 15 mars 2007

Pourquoi Bayrou ? (2/2)

Comment expliquer la montée de Bayrou… et quels sont les bons arguments à opposer à ceux - collègues, amis, membres de votre famille - qui s’orientent vers ce vote ?
Choisissez à votre gré parmi ces éléments d’anticipation et de réfutation.

Que ferait Bayrou s’il était élu ?
La question « Bayrou incarnerait-il le changement ou la continuité ? » relève un peu - il est vrai - de la politique fiction.
Trois éléments peuvent nous éclairer pour cela, avec une inégale fiabilité : 1/ son programme, 2/ ses alliés, 3/ son parcours.

1/ Le programme de l’UDF existe (si un peu quand même). Je relèverai surtout un point: celui des institutions, c’est-à-dire le cadre et les moyens grâce auxquels va s’exercer son action s’il est élu. Des 3 candidats principaux, il est le seul à se prononcer officiellement pour une VIème république. Elle comporterait essentiellement l’introduction de la responsabilité du président devant un parlement aux pouvoirs renforcés. Ce changement serait certes fondamental du point de vue du droit constitutionnel mais à peu près imperceptible de celui du citoyen ordinaire qui ignore qu’aujourd’hui, c’est le premier ministre qui est responsable devant le parlement. D’autres changements sont évoqués - rôle du parlement, non cumul des mandats, etc. - qui sont plus consensuels que révolutionnaires et figurent d’ailleurs dans le programme du PS.
Pour le reste, empruntant tant à la gauche qu’à la droite, il compte trouver un juste équilibre qui n’est pas sans rappeler celui professé par Chirac, alliant discours social (la fracture sociale), écologiste (la maison qui brûle) et pratiques empruntées à d’autre courants de pensée marqués à droite (CPE).

2/ Pour ce qui est de ses alliés, il est difficile d’être très précis. On connaît ceux d’aujourd’hui, sa garde rapprochée, l’UDF et ses notables locaux, conseillers généraux et sénateurs. Qu’en serait-il demain ? Bayrou en appelle à un rassemblement difficile à imaginer, mais après tout, les recompositions sont toujours possibles. Il existe toujours des gens pour voler au secours de la victoire, des ralliements opportunistes, des alliés de la 25ème heure. Que ces forces là soient à même de conduire une « révolution civique », il est permis d’en douter mais il serait injuste de l’exclure.

3/ Enfin, dernier élément d’appréciation, le parcours de François Bayrou. En tant que parlementaire, il a voté la plupart des lois, plus ou moins marquées idéologiquement que les gouvernements de droite soumettaient. Il a été aussi ministre et a donc un bilan plus personnel de son action que l’appartenance à une majorité. Dans sa fonction la plus remarquable, ministre de l’éducation, il n’a pas laissé de mauvais souvenirs. A part lors d’une tentative de réforme de la loi Falloux (l’affectation des moyens entre établissements publics et privés) les enseignants ne sont pas descendus dans la rue, pas plus que les élèves ou les étudiants. Il n’a pas non plus laissé beaucoup de traces dans les mémoires. Il a été consensuel et diplomate. Il n’a rien réglé mais n’a rien aggravé.

Conclusion provisoire
Le tableau est bien sûr sommaire mais l’analyse appelle un premier constat. Dans son programme, ses alliés ou son parcours, rien ne semble destiner François Bayrou à être l’homme du changement. On peut même penser sérieusement que tout : le paysage politique comme la place qu’il y occupe depuis longtemps ; tout le prédestine à l’immobilisme.

Les argumentaires socialistes insiste ces derniers temps sur le fait que Bayrou est un homme de droite. Cela ne me paraît pas suffisant. Son électorat est justement intéressé par le subtil mélange droite/gauche qu’il prétend opérer. Un homme de droite avec un premier ministre de gauche est idéalement placé pour cela. L’argument ne le dessert donc pas, bien au contraire.
Le point faible de Bayrou n’est pas d’être de droite mais d’être un conservateur. Il est dans la pire position qu’il soit pour instaurer la réforme qu’il est censé incarner, celle du juste milieu, du marais, du ventre mou.

épilogue
« Il faut que tout change pour que rien ne change » cette formule est celle du « guépard » de Lampedusa. La révolution gronde à Palerme et Garibaldi approche. Finalement le roi de Naples est remplacé par celui de Piémont, les filles de parvenus épousent les fils de familles… Tout est apparemment bouleversé mais tout reste pareil… et la vieille aristocratie garde la mainmise sur la Sicile.